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Thursday, July 29, 2021

Gymnastique | Simone Biles perdue dans l'espace - La Presse

(Tokyo) En plus de ses tourments psychologiques, la grande vedette Simone Biles a invoqué ce que les gymnastes appellent « perte de figure » pour expliquer son retrait en plein concours par équipes des JO-2020, une perte de repères dans l’espace qui peut être renforcée ou causée par le stress et surtout mettre en danger un sportif.  

Déborah CLAUDE Agence France-Presse

Mardi soir, quand Simone Biles a décidé à la stupeur générale d’arrêter le concours général par équipes après un seul saut, elle a expliqué qu’elle ne « voulait pas risquer de se faire mal ou de faire quelque chose de stupide en participant à cette compétition ».  

Évoquant sa santé mentale, elle a au passage parlé de « twisties » (littéralement, tortillons), un phénomène connu dans le monde de la gym et du trampoline, qui peut aussi toucher les golfeurs.  

Soudain, le sportif perd les commandes, son corps ne répond plus et ses repères disparaissent, une sorte de déconnexion conduisant à une désorientation.  

Quand l’équipe des États-Unis, emmenée par sa vedette, fait son entrée dans l’Ariake gymnastics mardi soir, on est loin de penser que la quadruple championne olympique est en souffrance, elle débute par le saut.  

« Je ne savais pas où j’étais »

Avant que Biles ne s’élance, tout le monde n’a qu’une question en tête : va-t-elle réaliser sa nouvelle acrobatie, un double salto arrière carpé qu’elle a testé à l’entraînement ? Si elle le fait aux JO, ce serait une cinquième figure baptisée de son nom et elle marquerait encore plus l’histoire de la gymnastique.  

Mais non, au lieu de cela, elle s’engage dans un saut dit « Amanar », un saut très difficile avec deux vrilles et demie, sauf qu’une vrille disparaît au passage. « Je n’ai pas compris ce qui s’est passé, je ne savais pas où j’étais en l’air, j’aurais pu me blesser », a-t-elle décrit lors de sa conférence de presse.  Ses coéquipières l’interrompent : « on a eu un petite attaque cardiaque en voyant ce qui arrivait ! »

L’infaillible Simone Biles, surdouée de la gym, qui monte à une hauteur vertigineuse au sol grâce à une détente exceptionnelle, est plutôt du genre à ajouter une vrille qu’à en enlever une.  

« Dans une carrière, tous les gymnastes ont des pertes de figure », a expliqué à l’AFP Yann Cucherat, ancien directeur du haut niveau masculin. Lui-même ancien gymnaste, il a été confronté à ce phénomène pour ses sorties aux barres parallèles notamment.

« Tout réapprendre »

« Pour moi, c’est ce que Simone Biles vit et c’est décuplé par la pression », explique-t-il. « Cela vient nous pourrir le cerveau et on a peur de faire notre acrobatie », détaille-t-il encore.  

La situation est d’autant plus difficile pour Simone Biles qui a des acrobaties d’un niveau exceptionnel.  

Pour éviter de « perdre ses figures », il faut régulièrement refaire ses gammes et les décomposer, explique encore Yann Cucherat.

Ces dernières heures, plusieurs gymnastes ont raconté sur les réseaux sociaux avoir souffert de « twisties ». Cela peut être plus ou moins intense et mettre plus ou moins de temps à se résoudre.  

« J’ai des “twisties” depuis l’âge de onze ans », a ainsi expliqué Aleah Finnegan, gymnaste américaine. « Vous n’avez plus aucun contrôle de votre corps et de ce qu’il fait », explique-t-elle.

La gymnaste suisse Giulia Steingruber spécialiste du saut, qui concourt en finale du concours général jeudi à Tokyo, a raconté aussi qu’elle a connu « un blocage mental » similaire en 2014. « J’avais vraiment peur » et « je n’arrivais pas à m’en sortir », raconte-t-elle dans un documentaire. « Elle a du tout réapprendre petit à petit », poursuit son entraîneur.

Pression, stress et anxiété peuvent favoriser l’apparition de ce phénomène. Biles, cinq médailles olympiques à Rio, a parlé de cette pression qu’elle ressent depuis des mois, après une année de confinement et un report des JO.

Et pourtant, « Simone a un incroyable équilibre en l’air », avait expliqué Aime Boorman, son entraîneuse historique, à la mère de Simone quand celle-ci avait six ans.  

« Elle sait exactement où elle se trouve dans l’espace pendant qu’elle tourne et qu’elle vrille et elle sait instinctivement comment retomber sur ses pieds pour se réceptionner correctement. C’est quelque chose qu’aucun entraîneur ne peut enseigner », lui avait-elle dit.  

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