Plus on en apprend sur les scandales de violences sexuelles qui secouent Hockey Canada, plus il y a lieu de s’indigner.
Plus ses dirigeants tentent de s’expliquer, plus ils s’enfoncent et montrent par eux-mêmes à quel point leur boys club est mal placé pour changer la culture toxique de silence et d’impunité dans laquelle il baigne.
Plusieurs voix se sont élevées ces derniers jours pour exiger le départ des dirigeants de Hockey Canada ainsi que la démission des membres de son conseil d’administration. J’abonde dans le même sens. Céder leur place à une nouvelle équipe paritaire, capable de repartir sur de nouvelles bases, ce serait le strict minimum.
Il y avait quelque chose de stupéfiant à voir le grand patron de Hockey Canada, Scott Smith, prétendre mercredi devant les parlementaires qu’il était l’homme de la situation pour piloter le changement de culture qui s’impose au sein de son organisation.
Comment pourrait-on lui faire confiance alors que, dans sa lamentable gestion de tout ce scandale d’abord rendu public par le journaliste Rick Westhead, de TSN, Hockey Canada a fait preuve de si peu de transparence ?
Comment le croire alors que, depuis les premières révélations du mois de mai, la fédération, toujours à la remorque des médias, de la pression politique et de celle de ses commanditaires, a semblé plus soucieuse de protéger son image et son financement que de protéger les victimes ?
Comment croire encore que le beau plan présenté lundi par Hockey Canada pour mettre fin à la culture du silence est autre chose qu’une opération de relations publiques ?
Comment croire que la transparence sera désormais de mise alors que l’organisation n’a pas cru bon de divulguer d’elle-même, avant que la chose ne soit révélée par des journalistes la semaine dernière, qu’elle avait un fonds obscur, garni à même les cotisations des membres de la fédération, pour couvrir les violences sexuelles ?
Comment croire le PDG de Hockey Canada lorsqu’il prétend encore que l’entente à l’amiable, conclue rapidement en mai dernier à la suite d’allégations de viol collectif sans qu’aucun joueur ne soit contraint de participer à l’enquête interne, ne servait pas à cacher quoi que ce soit, mais bien à protéger et à soutenir la victime ?
Démissionner, ce serait un bon début. Tout part du sommet. Mais il va de soi que cela ne suffira pas.
Penser que de retirer quelques têtes dirigeantes assainira tout un milieu, c’est s’en remettre à l’illusion qu’il n’y a que quelques pommes pourries dans le panier.
Retirons ces quelques pommes, et adieu la pourriture…
Le problème est malheureusement plus sérieux. Il est systémique. C’est tout le panier qui est pourri. Il y a toute une culture à changer dans le hockey masculin. Une culture de masculinité toxique qui a été maintes fois dénoncée.
Mais voilà : on ne change pas de culture comme on change de chandail de hockey.
Depuis 20 ans, les efforts déployés pour protéger les enfants et les adolescents dans le monde du sport canadien ont donné lieu à trop peu de changements, révèle une analyse récente de chercheurs de l’Université de Toronto (1). Le même scénario se répète. Un pas en avant, deux pas en arrière… C’est d’abord la crise lorsque des allégations d’agressions sont dévoilées. Le public et les médias y portent attention pendant un certain temps. Les gouvernements réagissent en mettant en place de nouvelles politiques qui seront mises en œuvre à pas de tortue. Les dirigeants sportifs et leur communauté font de la résistance active. Tout ça pour quoi ? Pour bien peu de choses, hélas : trop peu de changements observables.
Est-ce que ce sera différent cette fois-ci ? Certainement pas si le boys club qui témoignait mercredi à Ottawa reste en place.
Il était frappant de constater dans les réponses des dirigeants de Hockey Canada à quel point ils ne semblent pas saisir l’aspect systémique du problème gravissime dont ils ont été complices.
« Au final, notre objectif est d’éliminer les individus qui ont des comportements inappropriés », a dit Scott Smith.
C’est bien là le problème. Au-delà des vœux pieux des plans d’action et des formations vite oubliées sur l’égalité hommes-femmes et la prévention, rien ne changera tant que l’on traitera les cas d’agressions sexuelles comme des faits isolés qui seraient dus à une poignée d’individus.
« Les violences sexuelles et la misogynie sont profondément enracinées dans le hockey masculin », a rappelé un groupe pancanadien de 28 universitaires dans une lettre ouverte à la ministre fédérale des Sports, Pascale St-Onge (2).
Cette culture cause surtout du tort aux enfants, aux jeunes et aux femmes, soulignent les universitaires. « Des recherches ont montré que les agressions sexuelles, les abus et le harcèlement sont dus à une culture sportive du hockey fondée sur le principe de la victoire à tout prix, qui normalise la violence, l’agression, la consommation d’alcool, l’intimidation, le “badinage” sexiste et homophobe et l’humiliation des femmes et des personnes 2SLGBTQ+. »
On excuse trop souvent ces comportements comme s’ils étaient normaux. « Boys will be boys », dit-on. Les gars sont des gars…
À ces boys et ceux en autorité qui, par leur silence ou une attitude passive, leur ont ouvert la voie vers l’impunité, il est temps de dire une fois pour toutes que ça suffit.
Ça suffit, les boys ! | La Presse - La Presse
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