(Kanata) Personne n’avait prédit, avant le début de la saison, que les Sénateurs d’Ottawa seraient l’une des pires équipes du circuit à la mi-campagne.
Personne n’aurait davantage prédit que Jacques Martin reprendrait du service, à 71 ans, derrière le banc d’un club de la LNH. Et nous n’aurions certainement pas parié notre paye sur l’illustration que le même Martin nous servirait, en ce froid matin de janvier, pour décrire les lacunes de son effectif.
La question était toute simple : que s’est-il passé pour que ça dégénère ainsi ? Pour y répondre, Jacques Martin a choisi de parler… des Canucks de Vancouver.
Car à ses yeux, ce qui fait le succès des Canucks, incontestable surprise de la saison jusqu’ici dans la LNH, explique en grande partie ce qui manque aux Sénateurs, une équipe qui déborde de talent – Brady Tkachuk, Tim Stützle, Josh Norris, Drake Batherson, Thomas Chabot, Jakob Chychrun, Jake Sanderson –, mais qui peine à gagner des matchs.
« C’est bien d’avoir un noyau de jeunes talentueux, mais il faut leur apprendre à jouer de la bonne façon », a résumé le vieux routier, en français, aux journalistes de La Presse et du Journal de Montréal, mercredi matin.
« En général, les équipes qui ont du succès vont entourer ces jeunes joueurs-là. »
C’est ici que les Canucks entrent dans la conversation. « Pendant deux ans, ils tentaient de rebâtir, mais ils n’allaient nulle part », a rappelé Jacques Martin. Ils ont changé d’entraîneur l’an dernier, mais l’effet n’a pas été immédiat.
Ce qui a fait la différence, selon lui, ce sont les ajouts effectués pendant la saison morte. Martin énumère ici quatre joueurs qu’il a connus à Pittsburgh, à l’époque où il était adjoint chez les Penguins : Ian Cole, Teddy Blueger, Sam Lafferty et Casey DeSmith. « Des changements mineurs, insiste-t-il. Mais ça a aidé, ça a entouré les jeunes. Ça a amené une culture différente, une expérience différente. »
Toujours à Vancouver, les meilleurs joueurs, comme Quinn Hughes, Elias Pettersson, J.T. Miller et Brock Boeser, ont tous « élevé leur jeu ».
Sans le dire aussi crûment, Martin a laissé entendre que c’est à peu près ce qui n’est pas arrivé à Ottawa. Les principaux éléments offensifs n’ont pas décliné, mais ils ne transportent pas l’équipe non plus.
L’entraîneur est plus direct quand il affirme qu’il souhaiterait compter sur « plus de vétérans ». « On en a un peu moins, cette année », constate-t-il. Derick Brassard et Nick Holden, deux joueurs populaires à l’interne la saison dernière, ne sont plus là. Claude Giroux et Travis Hamonic semblent soudain bien seuls.
« Souvent, ces vétérans-là sont l’extension du personnel d’entraîneurs », a rappelé Jacques Martin. L’été dernier, « on est allés chercher différents joueurs », a-t-il poursuivi, sans en dresser la liste. Faisons-le pour lui : Vladimir Tarasenko, Dominik Kubalik, Joonas Korpisalo et Zack MacEwen. On comprend toutefois par son ton qu’ils ne l’ont pas impressionné.
Pas comme prévu
Voilà pour la revue partielle du personnel. L’implosion des Sénateurs, toutefois, est plus complexe.
Elle est, d’abord, inattendue. Malgré la perte d’Alex DeBrincat, pendant l’été, il semblait acquis que cette équipe, enfin, était sur le point de renouer avec le succès. Les experts la voyaient en séries éliminatoires, sinon tout près, après six ans de misère.
Rapidement, en début de campagne, il est devenu clair que quelque chose ne tournait pas rond. Début novembre, le directeur général Pierre Dorion a démissionné. Le 18 décembre, on a montré la porte à l’entraîneur-chef D.J. Smith. Jacques Martin est arrivé en relève, avec à son côté Daniel Alfredsson, légende de la franchise.
Or, sous Martin, la fiche du club (4-9-0) est encore pire que sous Smith (11-15-0).
Défensivement, les lacunes sont multiples. On pourrait faire de gros yeux aux défenseurs, mais ceux qui suivent les activités quotidiennes de l’équipe soulignent que les attaquants méritent largement leur part de blâme. Et il y a Korpisalo, embauché à long terme l’été dernier, qui semble incapable d’arrêter des rondelles. Le voilà parmi les pires gardiens de la ligue sur le plan statistique.
Croisés dans le vestiaire des Sénateurs, Jake Sanderson et Thomas Chabot ont tous deux souligné un problème récurrent. « L’histoire de notre saison, c’est notre manque de concentration », a lâché Sanderson, sans détour.
Comme pour lui donner raison, le journaliste Alex Adams, du Hockey News, a mentionné sur X que les Sénateurs avaient déjà perdu 14 matchs, cette saison, alors qu’ils avaient eu l’avance pendant la rencontre. Mardi soir, à domicile, une avance de 4-2 contre l’Avalanche du Colorado s’est transformée en défaite de 7-4.
« On est souvent la meilleure équipe sur la glace pendant 45 ou 50 minutes, puis 5 minutes nous coûtent la victoire », a abondé Chabot.
Tant et aussi longtemps qu’on ne joue pas bien pendant 60 minutes, de façon constante, ce sera difficile de gagner.
Thomas Chabot
Les deux défenseurs s’entendent sur un autre point : la solution doit venir du vestiaire. Sanderson : « On ne joue pas à notre plein potentiel. On ne peut pas s’apitoyer sur nos déboires. Les joueurs de premier plan [top guys], nous devons être meilleurs. »
Chabot : « On a le soutien des partisans et de l’organisation. Ils font tout pour qu’on performe du mieux qu’on peut. C’est sûr que c’est frustrant, je ne dirai pas le contraire. Mais il nous reste plusieurs matchs à disputer. Ce n’est pas le temps de regarder le gars à côté ou en face de nous. C’est à nous, les joueurs, de faire le travail. »
Après un mois en poste, Jacques Martin note que son équipe doit augmenter sa « résilience ». Apprendre à encaisser les coups et à se relever après ceux-ci.
Ça ne suffira sans doute pas à sauver entièrement cette saison-là, alors que les séries éliminatoires sont virtuellement hors de portée. Stopper l’hémorragie, toutefois, contribuerait à limiter les dégâts à long terme.
Sénateurs d'Ottawa | Autopsie d'une implosion inattendue - La Presse
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