TOKYO, Japon | Placée en famille d’accueil dans son enfance, agressée sexuellement à l’adolescence, Simone Biles a surmonté toutes les épreuves pour s’installer au sommet de la gymnastique, avant d’étaler sa fragilité lors du concours général par équipes des Jeux olympiques de Tokyo en abandonnant mardi après une prestation décevante au saut.
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Après s’être emparée du record du légendaire Bélarusse Vitaly Scherbo (23) avec 25 récompenses sur la scène mondiale, dont 19 en or, l’Américaine est attendue à 24 ans comme l’une des stars des JO de Tokyo, cinq ans après ses quatre sacres olympiques de Rio.
Mais peu s’attendait à ce qu’elle craque en pleine lumière et abandonne ses coéquipières : « Je n’ai plus autant confiance en moi qu’avant (...) J’ai l’impression que je ne prends plus autant de plaisir qu’avant », a-t-elle expliqué pour justifier son abandon, qui n’a pas empêché « Team USA » de terminer deuxième.
Elle reste la plus grande gymnaste de tous les temps : elle-même en joue, en arborant sur son justaucorps la tête d’une chèvre en strass, « goat » en anglais, jeu de mots avec « GOAT » (« greatest of all time »), soit le meilleur sportif de tous les temps dans sa discipline.
Jamais, avant elle, une gymnaste n’avait coiffé cinq couronnes mondiales au concours général. « Parfois, je me demande comment je fais, j’aimerais pouvoir m’extraire de mon corps pour me voir de mes propres yeux », s’étonne-t-elle.
Elle raconte avoir toujours adoré « la sensation de voler » que lui procure la gym. Plus athlétique, plus puissante, la petite bombe texane (1,42, 47 kg) plane au-dessus de toutes. Quatre acrobaties (deux au sol, une à la poutre et une au saut) portent son nom, ce qui signifie qu’elle est la première à les avoir réussi en compétition internationale.
Pour l’instant. Manière de toujours repousser les limites, elle a ajouté dans sa botte secrète une nouvelle figure au saut, jamais réalisée par une femme.
« Sauvée » par ses grands-parents
Quand la petite Simone découvre la gymnastique à six ans lors d’une sortie scolaire, un entraîneur la repère immédiatement.
Ça pourrait ressembler à un conte de fées, ce n’en est pas un. Car sa petite enfance, Biles, née dans l’Ohio, le partage avec une mère « dépendante à l’alcool et à la drogue », qui fait « des allers-retours en prison », ce qui vaut, à elle, et ses trois frères et sœurs, d’être placés en famille d’accueil, confie-t-elle avec émotion à la télévision américaine en 2017.
« Je n’ai jamais pu compter sur ma mère biologique. Je me souviens que j’avais toujours faim, toujours peur. »
« Mes grand-parents m’ont sauvée », dit-elle de Nellie et Ron Biles, qu’elle considère comme ses parents et qui ont changé le cours de son histoire en l’adoptant, ainsi que sa petite sœur, tandis que le reste de la fratrie a atterri chez d’autres membres de la famille.
Dès ses huit ans, Biles fait une rencontre décisive, celle d’Aimee Boorman, l’entraîneuse qui la portera vers les sommets, sa « deuxième maman » aussi, qui veillera à son équilibre sur les agrès comme dans la vie.
C’est sous son aile qu’elle devient, à 16 ans, championne du monde pour la première fois, en 2013. Avec elle aussi qu’elle s’offre ses podiums olympiques en 2016.
« Je suis beaucoup plus que ça »
Boorman partie en Floride, la Texane d’adoption renoue avec l’entraînement sous la direction des Français Laurent Landi et Cécile Canqueteau-Landi après une année post-olympique sabbatique.
C’est peu après que Biles dévoile une autre blessure intime : en janvier 2018, elle révèle faire partie des plus de deux cents victimes de Larry Nassar, l’ex-médecin de l’équipe féminine américaine de gymnastique condamné lourdement pour des centaines d’agressions sexuelles commises pendant deux décennies.
Sortie du silence, elle n’hésite pas depuis à dénoncer publiquement la passivité des autorités sportives américaines.
Quand la Fédération américaine de gymnastique lui souhaite « bon anniversaire », elle lui répond sans ménagement qu’elle ferait mieux de lancer une enquête indépendante sur ces violences sexuelles.
Après « tout ce que j’ai traversé avec la fédération, retrouver l’amour du sport et être simplement Simone, ça a été un long chemin », confie-t-elle.
Elle ne cache pas non plus, dans le documentaire « Simone vs herself », ce qu’a signifié en termes de souffrance les violences qu’elle a subies : des heures sous la couette et de consultations psy.
Mais, explique Biles, qui a soutenu avec force le mouvement « Black lives matter » et chez qui Cécile Landi voit une volonté de « marquer l’histoire » aussi parce que « c’est une athlète noire », « je sais que cette expérience horrible ne me définit pas ».
« Je suis beaucoup plus que ça, martèle-t-elle. Je suis unique, intelligente, talentueuse, motivée et passionnée. Je me suis promis que mon histoire serait bien plus grande que ça ».
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