SAINTE-LUCE | Le magnifique village fluvial de Sainte-Luce semblait encore plus en beauté mardi qu’à l’habitude. Au bleu scintillant de l’eau et parmi les couleurs vives des commerces coquets en face de la grève, un nouveau pigment inespéré venait compléter cette toile harmonieuse. L’or qu’a récolté Maude Charron à Tokyo rayonnait déjà dans le Bas-Saint-Laurent.
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« J’avais entendu à travers les roches que cette petite-là pourrait aller loin. Dès la minute que je l’ai vue gagner la médaille d’or, j’ai tout de suite su que ce serait le sujet de conversation en ville », a lancé gaiement Gaétan Lizotte, citoyen qui fait partie des meubles dans la place.
M. Lizotte s’est fait plaisir en sautant dans la discussion entre le représentant du Journal et le maire de Sainte-Luce, Roch Vézina. Les deux compères avaient le sourire, la verve facile quelques heures après la conquête de l’haltérophile.
« Pour moi, Maude Charron c’est un cas unique, une vraie battante », a proclamé monsieur le maire.
« C’est une personne de détermination, d’une grande persévérance. Pour s’entraîner dans le garage de son père et en arriver à ces résultats, il faut quand même le faire ! Je m’identifie à elle parce que je ne suis pas un être conformiste, et elle non plus. »
À bas les barrières
Pour le maire pas peu fier, Maude Charron a redéfini le modèle traditionnel des athlètes qui doivent s’exiler pour accroître leur taux de succès. L’entêtement de l’athlète à demeurer dans le Bas-Saint-Laurent qui lui est si cher ne peut être que salué.
« Ce qu’elle a réussi, elle l’a construit ici toute seule. Elle vient de défoncer les paradigmes. Il n’y en a plus de barrières avec elle. C’est ça qui rend le monde d’ici encore plus fier », a-t-il fait remarquer.
Quelques heures après l’exploit, le maire de Rimouski, Marc Parent, a laissé entendre qu’une rue pourrait être rebaptisée au nom de la sensation locale du jour. De son côté, Roch Vézina entend aussi immortaliser l’exploit à Sainte-Luce.
Un mentor émotif
À deux heures de route, le sacre de Maude Charron fait aussi écho, à Sainte-Anne-des-Monts.
Son ancien entraîneur Serge Chrétien, qui a vu en l’adepte du cross fit l’haltérophile qu’elle est devenue, vit un moment grandiose.
« C’est l’aboutissement d’une longue route. La seule chose que je peux m’attribuer, c’est de l’avoir découverte et de l’avoir convaincue qu’elle était une haltérophile et qu’elle devait y mettre les efforts.
« Ça a été un parcours pour la convaincre, mais après coup, c’était impossible de l’arrêter. Avec la détermination qu’on lui connaît, elle n’avait qu’un objectif en tête », affirme-t-il.
Nouveau modèle
Celui qui a contribué à raviver la flamme olympique en Maude Charron estime que de plus en plus d’athlètes réfléchiront avant de se déraciner.
« Je suis convaincu que ça va amener une bonne réflexion. Elle a fait beaucoup de sacrifices, mais sur certains aspects elle ne voulait pas en faire, comme le fait de ne pas quitter son coin de pays, sa vie de famille et de prendre ses marches sur la plage avec son chien. Elle ne voulait pas perdre ces moments-là. C’est une fille attachée aux valeurs de base », croit M. Chrétien.
Les deux sont demeurés en étroite relation et ont même pu discuter par appel vidéo après le grand moment.
« Il y avait beaucoup d’émotions. Elle avait le sourire olympique au visage et c’était merveilleux. »
Un papa fier de sa fille... et de son garage
RIVIÈRE-DU-LOUP | C’est maintenant connu, c’est dans le garage familial que Maude Charron a forgé dans les derniers mois la médaillée d’or qu’elle est devenue. Son père Jean Charron, qui a besogné avec elle pour en faire un lieu de travail motivant, lance avant tout les fleurs à sa fille.
« C’est fou à quel point les gens me posent des questions sur ce garage ! » a-t-il rigolé lorsque Le Journal l’a rencontré à la porte de son commerce à Rivière-du-Loup.
« Je veux bien admettre que ce garage n’a pas nui, mais nous ne sommes pas les seuls parents qui avons transmis de bonnes valeurs à leurs enfants. Les jeunes, on les encadre et on les guide du mieux qu’on peut, sans imposer nos perceptions de la vie. Maude a su se construire elle-même », a-t-il poursuivi.
N’empêche que l’intérêt des médias et du grand public fait presque de cette pièce un lieu culte. Un lieu qui d’ailleurs n’appartient plus à la famille depuis que la maison a été vendue, récemment.
« Quand il ne faisait pas trop froid, Maude aimait ouvrir les portes du garage. En soulevant ses poids, elle gardait toujours le même point de mire, une immense roche dans le fleuve. Je lui ai parlé après sa médaille et elle m’a dit : “Papa, je te jure que pendant la compétition, je voyais la roche au loin !” » s’amuse à raconter le paternel.
Une femme déterminée
Aux yeux de Jean Charron, ce n’est pas un endroit en soi, mais bien la détermination de sa fille, qui l’a propulsée.
« Maude s’est construite par sa propre volonté. C’est une personne structurée, équilibrée et concentrée sur ses objectifs. Tout ça lui appartient », dit-il.
Quant à sa volonté ferme de demeurer bien ancrée dans le Bas-Saint-Laurent, son père est aussi d’avis que ce choix risque d’être reproduit et pas seulement dans le sport olympique.
« C’est un questionnement que l’ensemble de la société doit faire. Est-ce que c’est toujours absolument nécessaire d’aller s’empiler à Montréal ? » réfléchit-il.
Sentiments indescriptibles
Jean Charron, même s’il avait pleinement confiance en sa fille, peine encore à réaliser ce qu’il est en train de vivre. « Ça ne se décrit pas, ça se vit. C’était déjà une victoire qu’elle atteigne les Jeux olympiques », dit-il. Et pour les curieux, oui, l’athlète la plus en vue du jour s’est permis quelques abus, de circonstances.
« Elle m’a dit qu’elle en était à trois pointes de pizza et deux morceaux de gâteau. Bref, elle s’est autorisée ce qu’elle ne s’autorise jamais », sourit-il.
Le pays savoure d’ailleurs chaque bouchée avec elle.
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