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Tuesday, December 28, 2021

Michael McCarron et la vie d'après - La Presse

Si le Canadien l’avait repêché six rangs plus tard, en 2013, Michael McCarron aurait été un choix de deuxième tour.

Simon-Olivier Lorange
Simon-Olivier Lorange La Presse

Aurait-il connu une meilleure courbe de développement ? Peut-être, peut-être pas. Serait-il encore un membre du CH aujourd’hui ? On ne le saura jamais.

Sa vie aurait-elle été différente ? Probablement que oui.

En entrevue téléphonique avec La Presse, la première qu’il a accordée à un média québécois depuis qu’il a été échangé aux Predators de Nashville il y a presque deux ans, l’attaquant de 26 ans l’avoue sans détour : son quotidien est plus léger depuis qu’on ne lui rappelle plus, jour après jour, qu’il n’a pas répondu aux attentes qui viennent avec une sélection au premier tour du repêchage.

PHOTO MARK HUMPHREY, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Michael McCarron (47) évolue maintenant pour les Predators de Nashville.

Ce statut particulier, il n’y « pense plus vraiment », dit-il, joint à Milwaukee, où évoluent les Admirals, club-école des Predators dans la Ligue américaine.

Dans sa nouvelle organisation, « tout est incroyable ». « J’adore ça, ici. Je ne changerais rien. » Et ce, même s’il n’a disputé que 13 matchs dans la LNH depuis le début de la saison dernière.

À l’aube du repêchage de 2013, McCarron, géant de 6 pi 5 po et 228 lb, était classé au 35rang des patineurs nord-américains par la centrale de recrutement de la LNH. Le 34e sur la liste, J. T. Compher, a été sélectionné par les Sabres de Buffalo au deuxième tour (35e au total). Le 36e, Oliver Bjorkstrand, n’a été choisi qu’à la fin du troisième tour (89e au total) par les Blue Jackets de Columbus.

Mais le Canadien ne s’en cachait pas : il voulait ajouter du poids à sa formation. La direction a tenté de faire une transaction dans l’espoir de mettre la main sur le défenseur québécois Samuel Morin, lui aussi une force de la nature. En vain. À son premier tour de parole, au 25rang, l’organisation a donc jeté son dévolu sur McCarron, un colosse qui présentait des statistiques modestes au sein du programme américain de développement.

Les partisans du Tricolore connaissent la suite. Huit ans plus tard, il n’est toujours pas un joueur établi à temps plein dans la LNH.

Lorsque le directeur général Marc Bergevin et son adjoint Trevor Timmins, responsable du recrutement amateur, ont été congédiés il y a quelques semaines, le nom de McCarron a même été l’un des plus souvent cités en exemple pour illustrer les échecs qu’a accumulés le duo au repêchage.

Bagarreur malgré lui

Comme c’est le cas pour de nombreux espoirs, un fossé s’est creusé entre les attentes à son égard et la réalité sur la glace. Remarquez, McCarron ne s’est pas aidé non plus lorsque, le jour même de son repêchage, il a comparé son style à celui de Milan Lucic, l’attaquant de puissance le plus craint de la ligue à ce moment.

Était-ce une mauvaise idée ? « Non, car j’essaie encore de jouer comme ça : jouer dur, foncer au filet… »

« La première chose que Trevor [Timmins] m’a dite, quand il m’a repêché, c’est que j’étais un espoir à long terme, raconte McCarron. Il avait raison. Je dirais que j’ai trouvé mon jeu au cours des deux dernières années. » Bref, depuis qu’il a été échangé en janvier 2020.

Peu de gens s’en souviennent, mais l’association entre Michael McCarron et le Canadien s’est très bien amorcée. Le jeune homme de 18 ans a laissé une forte impression à son premier camp d’entraînement. Cédé ensuite aux Knights de London, il a surtout passé l’hiver à apprivoiser le hockey junior canadien.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Michael McCarron, à son premier camp d’entraînement au sein du grand club, en 2013

La saison suivante, il a explosé à London avec 41 points en 25 matchs, avant d’être échangé aux Generals d’Oshawa, équipe avec laquelle il a remporté la Coupe Memorial. Ses 18 points en 21 matchs éliminatoires semblaient confirmer son potentiel offensif.

Il a également réussi ses débuts professionnels en 2015-2016 : 38 points en 58 matchs chez les IceCaps de St. John’s, dans la Ligue américaine, assortis de 91 minutes de pénalité. Sa bonne tenue lui a même valu une audition de 20 matchs avec le CH.

Dans la LNH, il s’est alors contenté d’un but et de deux points. Dans l’intervalle, il a toutefois jeté les gants trois fois. Il s’est battu 5 fois de plus, en 31 matchs, en 2016-2017. Et 2 autres fois en 18 rencontres en 2017-2018.

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Michael McCarron, lors d’une bagarre face à Matt Martin, des Maple Leafs de Toronto, le 6 octobre 2016

Autrement dit, en 69 matchs à Montréal, il a été impliqué dans 10 bagarres. Depuis le lock-out de 2004-2005, seuls Brandon Prust et Georges Laraque ont maintenu une cadence plus élevée chez le Canadien.

Le hic : McCarron ne s’est jamais considéré comme un bagarreur.

Je n’ai pas de problème à me battre, mais je ne veux pas devoir le faire chaque soir pour rester dans la formation. J’avais du succès dans les mineures, mais chaque fois que j’étais rappelé, je ne jouais pas, ou encore je ne pouvais pas jouer selon mon style. C’était très dur.

Michael McCarron

Cela étant dit, son manque de vitesse et ses habiletés limitées n’échappaient à personne. Son temps de glace tournait autour des 10 minutes, souvent moins.

McCarron ne s’en cache pas : ni lui ni l’organisation n’ont cru qu’il serait un marqueur de 30 buts dans la LNH. Il était prêt à composer avec les attentes qui venaient avec l’étiquette de choix de premier tour. Or, « sentir que tu n’es pas là où tu devrais être […], c’est dur mentalement », dit-il.

Sur la glace, le « jeu en souffre ». Et à la maison, ce n’est pas forcément plus facile, surtout dans la Mecque du hockey.

« Tu as 18, 20 ans, tu lis et tu écoutes tout, confirme-t-il. Même si tu ne devrais pas, car tu prends forcément les choses de la mauvaise manière. Ce n’est pas un endroit facile où rester pour un haut choix au repêchage. Une journée tu es adoré, le lendemain tu es le pire joueur de la ligue. »

Néanmoins, nuance-t-il, « si tu es fort mentalement et que tu restes loin de Twitter, tu vas être correct ».

Développement

Les années passant, il devenait de plus en plus clair pour lui que la magie n’opérerait pas à Montréal.

Après son contrat d’entrée, il s’est contenté d’ententes à deux volets, au bas prix, sachant que sa carrière le destinait à la Ligue américaine.

Sent-il qu’il a eu sa chance à Montréal ? « Oui, même si je n’ai pas connu de succès », répond-il sans hésiter.

Estime-t-il, en revanche, qu’on lui a donné tous les outils nécessaires pour son développement ?

Ici, notre interlocuteur marque une pause. Il souligne d’abord que l’embauche de Joël Bouchard à la tête du Rocket de Laval, en 2018, a « redonné vie à [son] jeu », qui était « en déroute ».

Avant cela, « ce n’était pas ce qu’il y avait mieux pour [lui] », convient-il poliment.

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

L’arrivée de Joël Bouchard derrière le banc du Rocket a « redonné vie » au jeu de McCarron, qui portait à Laval le numéro 25.

« Regardez le bilan [du Canadien], ce n’est pas difficile de voir que le développement n’était pas au mieux », dit-il. Avant d’ajouter rapidement : « Mais les joueurs ont aussi leurs responsabilités, tout le blâme ne revient pas à l’organisation. »

Néanmoins, « ils font mieux aujourd’hui, mais peu de joueurs repêchés par le Canadien restent avec l’équipe ».

McCarron s’est en effet retrouvé au cœur d’une grande sécheresse sur le plan du repêchage et du développement chez le Tricolore. De 2008 à 2015, Brendan Gallagher a été la seule vedette ayant « grandi » dans l’organisation. Nathan Beaulieu, Alex Galchenyuk, Arturri Lehkonen et Jake Evans sont les rares autres joueurs qui se sont établis dans la LNH, encore que Galchenyuk et Lehkonen soient passés directement chez le Canadien sans détour dans les mineures. Autrement, seuls Charles Hudon, Sven Andrighetto, Jacob De La Rose et Jarred Tinordi ont joué au moins 100 matchs dans la LNH après avoir transité par Hamilton, St. John’s ou Laval dans la Ligue américaine.

Fin de la route

Une accumulation de blessures a écourté la saison 2018-2019 de McCarron. N’empêche, sous la direction de Joël Bouchard, il a effectivement repris du poil de la bête : 21 points en 32 matchs à Laval, un rythme annualisé de 53 points en 82 rencontres. Un « A » a été cousu à son chandail.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Michael McCarron a été assistant-capitaine lors de la saison 2018-2019 du Rocket de Laval.

Comble de malheur, il s’est encore blessé au camp d’entraînement suivant. Et à mesure que la saison avançait, le constat se renforçait : il était arrivé au bout de la route chez le Tricolore.

Au cours d’une campagne en dents de scie à Montréal, Riley Barber, Matthew Peca et même Dale Weise ont été rappelés à Montréal avant lui. Tout comme les recrues Lukas Vejdemo et Jake Evans. McCarron, lui, rongeait son frein.

« Ma carrière n’allait nulle part », constate-t-il. En janvier, le Canadien l’a échangé aux Predators contre Laurent Dauphin. Le soulagement a été total.

Quand on consulte les statistiques de McCarron, on constate qu’il n’a disputé que six rencontres la saison dernière. Normal : il a passé tout l’hiver sur l’escouade de réserve à Nashville. Une expérience incroyable, dit-il, qui lui a permis de côtoyer le club principal et son personnel d’entraîneurs.

Chez les Predators, et même dans l’Association de l’Ouest, il sent que son jeu robuste est le bienvenu. Cette saison, il a surtout joué à Milwaukee, mais il a néanmoins goûté à la LNH le temps de sept matchs. Y compris celui que son équipe a disputé à Montréal, le 20 novembre dernier. Malgré trois jours d’entraînement dans la métropole, chaque fois en présence de médias locaux, McCarron est passé totalement inaperçu. Et il n’allait pas s’en plaindre.

« Je pense qu’on est tous passés à autre chose », dit-il.

À Nashville et à Milwaukee, il ne s’est pas soudainement transformé en franc-tireur. Il demeure un employé de soutien qui hérite de missions défensives. Il se fait une fierté d’avoir amélioré ses performances au cercle de mise en jeu, et John Hynes, entraîneur-chef des Predators, l’a un peu utilisé en infériorité numérique.

À la mi-vingtaine, il caresse toujours le rêve de s’établir pour de bon dans la LNH. Il estime être un meilleur joueur qu’il ne l’était il y a deux ans ; il se dit plus constant, beaucoup plus en confiance.

« La vie est bonne », en somme. C’est déjà beaucoup. Et c’est, surtout, précieux.

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