(New York) Deux victoires consécutives, ce n’est théoriquement pas grand-chose. Mais lorsque ça prend 50 matchs pour y arriver, ça devient un évènement.
Ce miracle sur glace s’est enfin produit, dimanche après-midi, lorsque le Canadien a vaincu les Islanders de New York. Et il l’a fait avec panache, en l’emportant d’une part 3-2 en tirs de barrage et en donnant d’autre part à Andrew Hammond sa première victoire en saison après une attente de 2143 jours – on y reviendra.
Il y a beaucoup de bonnes choses à retenir de cette victoire. En réalité, le fait qu’elle ait fait suite à une autre victoire est insignifiant. Ce n’est pas comme si une remontée au classement se dessinait, en tout cas jamais assez pour rêver aux séries éliminatoires.
En attaque, le trio animé par Nick Suzuki a non seulement produit un but, mais il a parfaitement remporté son duel face à la principale unité des Islanders, celle pilotée par Mathew Barzal. Cet « exploit » est digne de mention, sachant à quel point Suzuki a souffert cette saison dans les matchs sur la route, c’est-à-dire lorsque son entraîneur n’a pas le dernier mot sur les confrontations.
En défense, le duo composé de Ben Chiarot et d’Alexander Romanov a été solide, ce qui tombe drôlement bien pour l’un comme pour l’autre. Chiarot ne sera, à moins d’une surprise majeure, plus un membre du Canadien d’ici quelques semaines. Chaque bonne performance est donc une bonne nouvelle pour lui et pour ses patrons, qui souhaitent demander le gros prix pour l’échanger. Quant à Romanov, le voir afficher autant de confiance et d’autorité donne des indices de ce dont rêvait le CH en le repêchant il y a quelques années.
Devant le filet, la présence d’Hammond, pourtant pas une émule de Jacques Plante, confère à la position de gardien une stabilité rendue impossible sous le triste règne de Cayden Primeau. Il ne les gagnera pas toutes, mais son histoire inspire ses coéquipiers, c’est évident.
Sur le plan collectif, le CH a prévalu en temps supplémentaire pour la deuxième fois de suite, et il l’a fait même s’il a perdu son avance deux fois dans la rencontre, notamment en fin de troisième période. Or, on ne s’est pas effondré comme c’est arrivé si souvent cette saison. Et on a survécu à un duel serré du début à la fin.
Ça n’a pas été parfait. Mais dans les circonstances, ce n’est pas loin de l’être.
Plaisir
Et surtout, on a retrouvé le plaisir de jouer. Ce n’était pas nécessairement la faute de Dominique Ducharme si la bonne humeur n’était plus au rendez-vous avant son congédiement. Nombreux sont les joueurs à avoir souligné la responsabilité partagée de l’ambiance morose, alimentée par les défaites à n’en plus finir.
Mais il y a quelque chose d’indéniable à ce qu’apporte Martin St-Louis dans cette équipe.
« Quand il a été embauché, on parlait beaucoup d’un changement de perspective, a dit Rem Pitlick après le match. On travaille, mais on se rappelle qu’on gagne notre vie en pratiquant un sport. C’est subtil, mais c’est un changement de perspective qui fait du bien. »
Le même Pitlick a notamment salué à quel point les joueurs s’en remettaient davantage à leur « instinct » dans leurs « lectures » sur la glace – un terme cher à St-Louis.
Sur le plan statistique, le changement est aussi très subtil. Quand on compare les cinq rencontres sous la gouverne du nouvel entraîneur-chef par rapport aux dix dernières de Ducharme, les indicateurs offensifs et défensifs sont relativement stables. À cinq contre cinq, on a sensiblement augmenté le ratio des chances de marquer de qualité obtenues par rapport à celles accordées, selon le site Natural Stat Trick. Et le nombre de buts accordés a chuté, surtout en raison de meilleures performances des hommes masqués.
Or, pour une raison ou pour une autre, on a enfin trouvé le succès.
La victoire de dimanche semblait peu émouvoir Martin St-Louis, qui met l’accent sur le « processus », dont les victoires sont en somme la récompense. « Quand tu cherches à bâtir une manière de jouer, bâtir une équipe, tu ne peux pas juste te concentrer sur la victoire ou la défaite », a-t-il insisté.
Mais lui aussi le reconnaît : le plaisir doit faire partie de l’équation.
« Comme entraîneur, je dois convaincre les joueurs de faire les choses d’une certaine manière. Quand tu les as convaincus, ça décolle. Le plaisir fait partie de ça. Ce dont je m’ennuie le plus de quand j’étais joueur, c’est le plaisir que j’avais. »
On se doute qu’une victoire une fois de temps en temps, ça doit bien y contribuer un petit peu.
Heureux, Hammond
On n’allait certainement pas passer sous silence la performance d’Andrew Hammond.
À 34 ans, après plus de trois ans sans avoir joué dans la LNH, et presque six sans avoir gagné un match, le « Hamburglar » n’a pas semblé du tout rouillé ni intimidé. Il a été mis au défi dès les premiers instants de la première période. Son arrêt franc contre Kiefer Bellows a donné le ton à sa journée de travail, conclue de la meilleure des manières comme on le sait.
Son expression en disait long après son ultime arrêt en tirs de barrage contre Brock Nelson. Et ses coéquipiers, qui se sont rués sur lui, partageaient visiblement son bonheur.
« Il a été incroyable, a noté Ben Chiarot. Il a fait de gros arrêts quand on en avait besoin, il a très bien joué avec la rondelle. C’est bien de le voir gagner. Et je suis content pour lui. »
« On était au courant, mais on n’en a pas parlé », a ajouté Pitlick au sujet de ce premier match de Hammond depuis des lunes. « C’était énorme pour lui. Il a démontré beaucoup de caractère. C’est très cool qu’il ait pu faire ça. »
Très humble, le principal concerné a dit que de revenir à ce niveau de compétition était « comme d’embarquer sur un vélo », même si le rythme est plus rapide que dans la Ligue américaine. « J’ai toujours cru que je pouvais jouer dans la LNH et ça l’a confirmé aujourd’hui. »
S’il en était obligé, il attendrait « encore quatre ans » pour le revivre de nouveau. Car, a-t-il rappelé, « tout vient à point à qui sait attendre ».
« Je l’ai mérité, je suis vraiment heureux. »
On ne trouvera jamais de plus belle conclusion que celle-là.
Dans le détail
L’impact de Pezzetta
On l’a dit souvent : Michael Pezzetta n’est pas l’attaquant le plus doué de sa génération. À preuve, il avait été laissé de côté au cours des cinq matchs précédents, y compris les quatre premiers de Martin St-Louis derrière le banc du Tricolore, et il a joué moins de 10 minutes dimanche. Mais le malheur des uns faisant le bonheur des autres, une blessure à Joel Armia lui a donné une place sur le quatrième trio du CH. Dès la première période, il a fait sentir sa présence. Il a d’abord été à l’origine d’une pénalité imposée à Matt Martin, qui n’a pas digéré que le chevelu personnage le mette en échec. Puis, au milieu de l’engagement, il semblait avoir fait dévier un tir de Jeff Petry pour inscrire son cinquième but de la saison, mais après la reprise, on a conclu que c’est le défenseur qui a marqué. Qu’à cela ne tienne, cette réussite n’aurait pas été rendue possible sans le travail de Pezzetta devant le filet. Et c’est encore son échec avant soutenu qui a permis à Ryan Poehling de décocher un bon tir en début de troisième. On parle souvent des joueurs qui saisissent leur chance lorsqu’elle se présente. Pezzetta ne veut jamais passer inaperçu.
Un en un
Rem Pitlick n’avait jamais été envoyé en tirs de barrage dans la LNH. Alors quand Martin St-Louis lui a donné le signal au deuxième rang, après qu’un arrêt d’Andrew Hammond eut gardé la marque à 1-1, il avoue avoir ressenti un peu de nervosité. Mais ça n’a pas paru : sa feinte pour déjouer Ilya Sorokin, conclue sur son coup droit à la manière de Saku Koivu, était parfaite. Et c’est ce qui a procuré la victoire à son équipe – ça et un ultime arrêt de Hammond, en fait. Après la rencontre, Pitlick avait la célébration sobre, même s’il a reconnu avoir ressenti une « sensation fantastique » en constatant que son but était celui de la victoire. St-Louis, lui, a fait valoir que Pitlick, un joueur « créatif », avait connu du succès offensif à tous les niveaux, de l’école secondaire à la Ligue américaine en passant par les rangs collégiaux. Il a également souligné que l’Américain faisait « plusieurs bonnes choses sur la glace » qui ne se traduisent pas toujours sur la feuille de pointage. « Quand il touche la rondelle, il fait des choses intelligentes, a poursuivi l’entraîneur. J’aime aussi son jeu défensif. Il peut placer une rondelle loin de la pression pour se donner de l’air et de l’espace. »
L’infatigable Chara
L’âge aura-t-il un jour raison de Zdeno Chara ? Ou jouera-t-il tout simplement au hockey jusqu’à 50 ans, comme Jaromir Jagr, qui est toujours actif en Europe ? Le géant slovaque, qui aura 45 ans dans un mois, a toujours été un athlète exemplaire, ce qui explique largement le secret de sa longévité. Voilà qu’il a disputé, dimanche, le 1650e match de sa carrière. La mention n’est pas anecdotique : à moins d’une catastrophe, il égalera cette semaine la marque de Chris Chelios (1651) et deviendra par la suite le défenseur le plus durable de l’histoire de la LNH. Pas si mal pour ce modeste choix de 3e tour en 1996… Avec un contrat peu onéreux qui approche de son échéance, Chara pourrait bien changer d’adresse d’ici la date limite des transactions, le 21 mars. On ne connaît pas ses projets, mais une deuxième Coupe Stanley constituerait une jolie cerise sur le gâteau d’une carrière déjà enviable.
Ils ont dit
Depuis que je suis ici, je trouve qu’on s’améliore tous les jours. Et c’est agréable de recevoir des récompenses avec des victoires. Mais les joueurs savent que nous ne gagnerons pas tous nos matchs.
Martin St-Louis
J’ai dormi chez moi hier soir, j’ai vu mes deux plus jeunes garçons, la famille et les amis. J’avais du monde à l’aréna pour le match. C’est le fun d’en ressortir avec une victoire.
Martin St-Louis
Dans la vie, il y a toujours des choses imprévisibles. Si nous n’avions pas autant de blessés, Andrew [Hammond] n’aurait peut-être pas reçu cette chance. Mais il en a profité. Il a très bien joué, il nous a donné une chance de gagner. Il le mérite. Il se prépare bien, il est un pro. Ce n’est pas un hasard s’il a reçu une autre chance dans la LNH après trois ans et demi.
Martin St-Louis
[Martin St-Louis] allume les gars, l’énergie est bonne. […] Il motive tout le monde, les gars sont enthousiastes de jouer. Ils font ce qu’il demande, ils voient que ça fonctionne. On touche plus souvent à la rondelle, [on génère] plus d’attaque et on commet moins d’erreurs défensives.
Ben Chiarot
Je suis impressionné par ce que [Martin St-Louis] implante. On a très bien joué au cours des derniers matchs. Les gars suivent ses enseignements, et avec les victoires, ils vont y croire encore plus.
Andrew Hammond
En hausse
Alexander Romanov
Son partenaire Ben Chiarot et lui ont été très efficaces contre les deux trios les plus efficaces des Islanders, ceux de Brock Nelson et de Jean-Gabriel Pageau. Le Russe a en outre décoché six tirs vers le filet (deux cadrés) et distribué trois mises en échec.
En baisse
Mike Hoffman
Comme ç’a été souvent le cas cette saison, il a été ce que nos amis anglophones appellent un non-facteur à cinq contre cinq. Aucune créativité en attaque. Un joueur de centre stable lui manque cruellement, mais il pourrait aussi y mettre du sien.
Le chiffre du match
4
C’est le nombre de points de Jeff Petry au cours des trois derniers matchs. Il en avait obtenu 6 au cours de ses 40 premiers.
Canadien 3 – Islanders 2 | Le Canadien bat les Islanders en tirs de barrage - La Presse
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