La Québécoise Alexandra Landry trouve « très difficile et décevant » que le premier appel à l’aide des gymnastes canadiens adressé à la ministre fédérale des Sports, Pascale St-Onge, il y a sept mois, n’ait pas reçu la réponse qu’ils souhaitaient.
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Mercredi, 500 personnes gravitant dans ce domaine sportif, dont Landry, une ancienne gymnaste, ont envoyé une seconde lettre ouverte à la ministre.
Dans celle-ci, ils lui réclament de prendre les moyens appropriés pour éliminer les problèmes d’abus physiques, psychologiques et sexuels qui minent leur milieu sportif, et notamment Gymnastique Canada.
Ils demandent aussi à la ministre de déclencher une enquête judiciaire indépendante.
« Le manque de réponse adéquate nous envoie le signal que ces voix ne comptent pas et que leurs expériences ne méritent pas du changement », ont déploré les gymnastes dans leur lettre, dont la CBC a d’abord obtenu copie.
« Leurs voix sont trop bruyantes pour être ignorées et jusqu’ici, leur courage n’a pas mené à des actions concrètes de la part de votre bureau », ont-ils aussi écrit.
Le groupe de signataires estime que le Bureau du Commissaire à l’intégrité dans le sport, récemment mis sur pied par le ministère de Mme St-Onge, n’est pas totalement indépendant.
Celui-ci est financé par Ottawa. Un fait qu’a défendu la ministre, mercredi en mêlée de presse, tout en qualifiant de « déchirant » et « d’inquiétant » les histoires provenant du milieu de la gymnastique canadienne.
« Oui [le programme], est financé par le gouvernement fédéral, tout comme n’importe quelle cour de justice, mais cela demeure une entité indépendante », a assuré Mme St-Onge.
« Cela fait partie de la solution, a-t-elle ajouté. Ainsi, les athlètes ont un endroit pour faire part des cas d’abus et de mauvais traitement. »
1000 calories par jour
En avril, Alexandra Landry avait raconté au Journal les abus physiques et psychologiques dont elle dit avoir été victime lorsqu’elle faisait partie de l’équipe de gymnastique rythmique du Canada.
La Montréalaise avait expliqué avoir été critiquée au sujet de son poids par une entraîneuse dont elle préfère taire le nom.
« J’ai fait ce qu’on me demandait, avait-elle expliqué. Je voulais tout faire pour perdre du poids. J’ai été sur une diète de 1000 calories par jour [moins de la moitié de ce qui est recommandé pour une femme]. »
Landry avait mentionné que les abus ont atteint leur summum lorsque l’entraîneuse l’a frappée devant toutes ses coéquipières après qu’elle eut commis une erreur lors d’une compétition.
Celle qui a pris sa retraite sportive après les Jeux olympiques de Londres, en 2012, déplore que la première lettre n’ait pas encore « reçu de réponse » du ministère.
« C’est difficile pour des athlètes de partager leur expérience, a souligné mercredi la femme âgée dans la fin vingtaine. Pour moi, ç’a été dur. Quand on parle de ces situations-là, on revit des moments négatifs, des choses qu’on a tenté d’oublier. »
- Écoutez l'entrevue de Marie-Christine Noel et de la l'ancienne patineuse Julianne Séguin au micro de Richard Martineau via QUB radio :
« L’urgence d’agir »
Landry a ajouté que des athlètes « vivent encore ces situations » et que la seconde lettre a également pour but de réitérer « l’urgence d’agir ».
« C’est une autre façon de démontrer à quel point on a besoin de changement et qu’on reçoit encore, à ce jour, d’autres dénonciations d’abus qui se passent dans notre sport », a-t-elle affirmé.
À l’instar des autres signataires, Landry a expliqué craindre des cas de « conflits d’intérêts » si l’investigation est menée par une entité comme le Bureau du Commissaire à l’intégrité dans le sport.
« L’important c’est d’avoir une enquête qui se passe en dehors du milieu sportif, par des experts », a-t-elle soulevé.
– Avec l’Agence QMI
Pas dans l’ombre de Hockey Canada
Si plusieurs fédérations sportives canadiennes, dont Gymnastique Canada, ont été éclaboussées par des scandales d’abus ou de mauvaise gestion dans les derniers mois, aucune n’a autant fait la manchette que Hockey Canada.
Il s’agit bien sûr d’un cas totalement différent. L’organisation a été vertement critiquée pour avoir réglé à l’amiable diverses plaintes pour agressions sexuelles portées contre ses joueurs, dont une pour un viol collectif qui serait survenu en 2018.
Ses responsables ont dû témoigner en comité parlementaire. Devant la pression politique, mais aussi financière – de nombreux commanditaires ont rompu leur lien avec la fédération –, son chef de la direction Scott Smith a remis sa démission.
Les membres du conseil d’administration qui n’avaient pas déjà quitté le navire ont également annoncé qu’ils se retiraient.
Regard en profondeur
Chez Gymnastique Canada, ce sont des abus qui auraient été commis par des gens en position d’autorité qui sont majoritairement dénoncés.
Et chez Rugby Canada, par exemple, un rapport indépendant publié au printemps faisait état d’un « vide de culture et de leadership ».
Aussi médiatisé soit-il, le scandale de Hockey Canada n’a pas porté ombrage aux athlètes des autres fédérations canadiennes qui réclament de l’aide, estime l’ex-gymnaste québécoise Alexandra Landry.
Au contraire, a-t-elle affirmé mercredi.
« Oui, ça prend de la place, mais ça permet de regarder plus en profondeur ce qui se passe au sein des autres organisations sportives au Canada. »
« On comprend que la même situation se passe dans d’autres sports, a-t-elle poursuivi. On est là pour supporter les autres athlètes. »
Gestes sexuels et humiliation
Landry ajoute que la gymnastique est un sport différent.
« Ce sont des athlètes qui commencent très jeunes et qui sont très vulnérables », a-t-elle expliqué.
La lettre envoyée à la ministre des Sports Pascale St-Onge, mercredi, fait d’ailleurs état d’une liste d’abus dont ont souffert des gymnastes en bas âge, qui aurait été notamment acheminée à son bureau en juin.
Il y est question « d’enfants humiliés publiquement », « abusés sexuellement », « forcés de s’entraîner malgré des blessures », « privés de nourriture » ou « abusés verbalement et psychologiquement », a rapporté la CBC.
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Problèmes d'abus physiques, psychologiques et sexuels: «Difficile et décevant» que les gymnastes n'aient pas été entendus - Le Journal de Québec
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