Les motos ont-elles un effet sur le résultat du Tour de France? L'incident survenu samedi au sommet de Joux Plane, où Tadej Pogacar s'est retrouvé bloqué, relance le débat sur l'influence des motos suiveuses sur les courses cyclistes non seulement en freinant des coureurs mais surtout en les aspirant dans leur sillage.
Comme beaucoup, le cycliste australien retraité Adam Hansen, aussi président du syndicat des coureurs, a été interloqué lorsque deux motos, une de télévision et une de photographe, ont empêché Pogacar de poursuivre son attaque au sommet de Joux Plane.
Depuis toujours, les motos ont une influence sur les courses, et aujourd'hui, elles ont volé des secondes
, a-t-il déploré après la 14e étape.
L'incident a conduit les commissaires de l'Union cycliste internationale (UCI) à exclure les deux motos de l'étape de dimanche.
C'est inadmissible, le Tour pourrait se jouer là-dessus
, s'est insurgé Laurent Jalabert, consultant pour France Télévisions, alors que Pogacar et Jonas Vingegaard n’avaient que dix secondes d’écart au classement général de la Grande Boucle à l’arrivée à Morzine samedi.
Le photographe a plaidé coupable. Le Slovène ne s'en est pas formalisé, déplorant seulement avoir tiré une cartouche à blanc
.
Dimanche au départ, le cycliste français Anthony Turgis s’est porté à la défense des motos. Je sais qu'elles font très attention. Les caméras ont un zoom important, mais si elles se mettent trop loin, le public se met devant et nous n’aurions aucune image
, a dit le coureur de TotalEnergies.
Les motos ont elles-mêmes été bloquées par le public. Il y avait des cordelettes, mais les gens ne les ont pas respectées
, a-t-il ajouté.
Dimanche, en début d'étape, un spectateur trop près de la chaussée a provoqué une grave chute qui a emporté notamment Nathan van Hooydonk. Le coureur de la Jumbo-Visma, lieutenant de Vingegaard, a pu reprendre la route.
Turgis concède toutefois que c'est évident que les motos influent sur la course
.
Lors du Tour de France et d’autres grands tours cyclistes, des dizaines de motos et de voitures entourent les coureurs, véhiculant caméras, photographes, officiels, directeurs sportifs, ardoisiers, reporters et l'assistance neutre.
Ce ballet infernal est strictement réglementé par l'UCI et par des régulateurs en course. La présence de toute cette flotte passe toutefois rarement inaperçue.
On l'a vu dans Joux Plane : des véhicules peuvent bloquer des coureurs. C'était déjà le cas dans le Grand Colombier vendredi, où Pogacar et Vingegaard avaient dû freiner.
Et nous revient aussi en mémoire l'image surréaliste de Chris Froome courant à pied, maillot jaune sur le dos, dans le mont Ventoux en 2016 après avoir cassé son vélo lors d'une chute provoquée par une moto bloquée par la foule.
Chris Froome au Tour de France en 2016
Photo : afp via getty images / MANMAN DEJETO
L'UCI travaille sur un système de radar arrière pour les motos. Ça va arriver bientôt
, assure Richard Plugge, patron de l'équipe Jumbo-Visma et président de l'Association internationale des groupes cyclistes professionnels.
L'utilisation de drones pour filmer afin de réduire le nombre de véhicules en course est quant à elle jugée trop dangereuse
par Adam Hansen.
Cependant, plus encore que de stopper les coureurs dans leur élan, les motos sont accusées de les entraîner trop facilement dans leur sillage par un phénomène d'aspiration.
Une étude publiée en 2016 par l'Université de technologie d'Eindhoven a conclu que l'effet aérodynamique des motos pouvait être substantiel, voire décisif
.
On le ressent vraiment. Dès qu'on peut avoir un peu d'aspiration, on y va
, a souligné Anthony Turgis.
C'est devenu un des principaux problèmes du cyclisme, cela change la course et peut décider, par exemple, si l'échappée va au bout ou non
, disait estimer en début d'année Bauke Mollema. Le coureur néerlandais s'était emporté en 2019 contre les motos de la RAI
qui avaient tracté le peloton derrière deux échappées, déjà désavantagées face au vent.
Rouler dans le peloton apporte un avantage énorme en raison de la moindre résistance à l'air. Selon l'Université d'Eindhoven, cela peut permettre à un cycliste de rouler à 54 km/h en fournissant un effort qui, seul, le ferait déplacer à seulement 12 km/h.
Les voitures sont aussi régulièrement pointées du doigt. En avril, Tadej Pogacar a remporté en solitaire l'Amstel Gold Race après avoir profité un moment de l'aspiration de la voiture de direction.
Bert Blocken, professeur de physique à l'Université de Louvain, avait alors expliqué dans les médias belges que rouler dans l'aspiration deux mètres derrière une voiture réduit la résistance à l'air de 65 % et peut faire gagner 36 secondes par kilomètre
.
De quoi, effectivement, modifier le cours des événements.
Quand les motos font de l'interférence au Tour de France - Radio-Canada.ca
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