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Saturday, October 30, 2021

Santé mentale | Trouver l'équilibre et y prendre goût - La Presse

(Seattle) La culture du hockey en a pris pour son rhume cette semaine. La révélation des détails de l’agression sexuelle vécue par Kyle Beach chez les Blackhawks de Chicago ainsi que la décision de l’équipe d’étouffer l’affaire à l’époque ont fait trembler la LNH.

Simon-Olivier Lorange
Simon-Olivier Lorange La Presse

Au banc des accusés, les membres de la direction des Hawks qui ont balayé sous le tapis la dénonciation d’un jeune joueur, plaçant la victoire au-dessus de toute considération humaine.

Sous ce fameux tapis, cette histoire a rejoint les grands tabous du circuit. La gestion des commotions cérébrales, par exemple, ou les enjeux de santé mentale de ses athlètes.

Sur ce dernier point, par contre, les choses changent peu à peu, notamment grâce aux sorties publiques des joueurs à ce sujet. Jonathan Drouin, du Canadien de Montréal, a dévoilé à la télévision les troubles d’anxiété et du sommeil qui le suivent depuis des années. Kyle Okposo, des Sabres de Buffalo, s’est ouvert sur l’épisode de psychose et de paranoïa qu’il a vécu. Il en a d’ailleurs discuté avec La Presse il y a quelques semaines.

Lisez notre entrevue avec Kyle Okposo

Le gardien Robin Lehner, des Knights de Vegas, parle ouvertement de son trouble de bipolarité. Et tout récemment, sans que la nature de ses motifs ne soit révélée, Carey Price a mis sa carrière sur pause et s’est joint au programme d’aide aux joueurs de la LNH. Sa femme a ensuite parlé d’enjeux de santé mentale sur les réseaux sociaux.

La conversation évolue, donc. Et Riley Sheahan, du Kraken de Seattle, veut s’assurer qu’elle se poursuive et s’élargisse.

Le hockeyeur de 29 ans, ex-choix de premier tour des Red Wings de Detroit qui gagne maintenant sa vie comme attaquant de soutien, coanime la baladoémission Speak Your Mind (« Exprime-toi franchement »), entièrement consacrée à la santé mentale et offerte sur la plupart des plateformes de diffusion. Avec Tyler Smith, militant pour une ouverture à ces enjeux dans le sport et ex-membre des Broncos de Humboldt qui a survécu à l’accident d’autobus qui a décimé son équipe en 2018, il reçoit des invités qui s’ouvrent sur les défis qu’ils affrontent au quotidien. Sheahan a lui-même été l’un des premiers invités de la balado avant de s’installer derrière le micro. Un autre épisode a été consacré à Robin Lehner.

« Je veux aider le plus de monde possible », a expliqué le vétéran lors d’une entrevue avec La Presse, au moment du passage du Canadien à Seattle.

On essaie quelque chose de nouveau qui, je crois, résonne chez les gens qui vivent la même chose que les invités de l’émission.

Riley Sheahan

Passé trouble

Sans être capable de le nommer à l’époque, Sheahan a développé un trouble anxieux dès son jeune âge. « À 10 ou 11 ans, je sentais que les choses n’étaient pas normales pour moi », témoigne-t-il dans Speak Your Mind. Il aimait le hockey, mais se sentait étouffé par le stress.

À l’adolescence puis dans son parcours au hockey universitaire, il a commencé à souffrir de crises de panique. Il a développé une dépendance à l’alcool. En 2012, alors qu’il évoluait pour le club-école des Red Wings, il a été arrêté en état d’ébriété au volant et a fourni aux policiers des informations erronées sur son identité.

C’est là qu’il a demandé de l’aide. Et qu’il a reçu un diagnostic de dépression.

Aujourd’hui, à l’aube de la trentaine, il a repris le contrôle de sa vie. À Seattle, ce nouveau père s’est joint déjà à une sixième équipe en carrière, mais il n’a jamais manqué de boulot depuis sa première saison complète, en 2014-2015.

Sans filtre, il explique que, selon lui, il ne « guérira » jamais totalement. Il s’est donc créé une routine pour « limiter les mauvais jours ». À sa propre surprise, il a pris goût à tenir un journal quotidien pour exprimer ses états d’âme et amorcer chaque journée du bon pied. Il prend un soin méticuleux de son corps, voyant dans l’activité physique « le meilleur antidépresseur ».

Je sais ce que j’ai à faire pour bien aller. Je dois être constant, ne pas tricher. C’est quand on sort de ses habitudes qu’on devient plus vulnérable.

Riley Sheahan

Culture et équilibre

Jusqu’ici, la réponse à sa balado n’est que positive, assure-t-il. Le fait que de plus en plus d’athlètes s’ouvrent sur leurs problèmes, même les plus connus comme Simone Biles et Michael Phelps, est « libérateur » et crée un effet d’entraînement, dans le sport et dans la société.

Sheahan lève son chapeau à Jonathan Drouin et à Carey Price, qui ont « mis leur profession de côté » pour soigner « la manière dont ils se sentent ». « C’est génial que leur équipe, la Ligue et les partisans les soutiennent », estime-t-il.

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Jonathan Drouin (92) et Carey Price (31) ont tous les deux mis leur carrière de côté, au cours de la dernière année.

Il ne croit pas nécessairement que le hockey soit en retard sur ces enjeux par rapport aux autres sports, mais il convient qu’il existe quelque chose d’intrinsèque à la culture du hockey qui a freiné les joueurs au moment de parler de leurs problèmes de santé mentale.

« Une des choses qui rendent notre sport tellement beau, dit-il, c’est que, la plupart du temps, quand tu marches dans le vestiaire, tu vas te sentir bienvenu, à l’aise. Les gars vont t’accueillir. Mais en même temps, il y a cette culture qui veut que tu t’effaces derrière le concept d’équipe. C’est quelque chose que j’accepte, mais il y a des moments où il faut prendre soin de soi. »

Les gars commencent à le comprendre. Ils sont plus ouverts. On fait certainement de grands pas vers l’avant.

Riley Sheahan

Prévenant qu’il ne « connaît pas tout », il fait savoir à ses coéquipiers que sa porte est toujours ouverte pour parler. Pour « avoir des conversations difficiles ». Car il connaît trop bien les conséquences de se terrer dans le silence lorsque « ça ne tourne pas rond là-haut ».

« Quand les choses vont bien, tu trouves du sens dans ce que tu fais ; tu te sens important, pas anxieux ni déprimé, dit-il encore. Mais quand la spirale [de la dépression] s’amorce, tu ne performes plus bien. Ça peut aller vite. Je ne veux plus que le hockey affecte ma vie hors de l’aréna avec ma famille et mes amis. »

Trouver cet équilibre n’est pas facile. Mais, foi de Riley Sheahan, quand on y arrive, on y prend goût.

Note : l’entrevue avec Riley Sheahan a été réalisée avant la publication du rapport d’enquête sur les allégations d’agression sexuelle chez les Blackhawks de Chicago. Ce sujet n’a donc pas été abordé avec lui.

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